Un peu de tri !

mercredi 3 septembre 2014

Nos voisins de Gaillac...

Il n'y a, à mon humble avis, rien de plus exact que d'affirmer l’existence d'un lien étroit, semblable à celui unissant deux membres d'une même famille, entre le vin et ceux qui le font. Les personnalités diverses se frottant ainsi à la vigne amènent dans leurs rangs et plus tard à la cave, un peu d'eux-même. Les idées, l'héritage familial, le goût personnel, sont autant de marqueurs forts élargissant la palette des possibles, à l'heure de mettre un terroir en bouteille.

Gaillac ne fait pas exception à la règle, proposant aux curieux de passage, aux aficionados du sud-ouest liquide, ou aux papilles alertes, les interprétations diverses d'un patrimoine largement dédié à Bacchus. D'autant qu'ici, les vignerons ont un large choix pour nourrir leur nuancier ampélographique. Un éventail qui, exception faite du sauvignon, de la syrah et du gamay, porte haut les couleurs régionales. En effet, que ce soit le loin de l’œil, le mauzac, l'ondenc pour les blancs, ou le braucol, le duras et le prunelart, les cépages locaux tirent leur histoire d'un passé lointain, intimement lié au sort des terres tarnaises.

Si l'on ajoute à ça, le fait que le Gaillac puisse se décliner en rouge, rosé, blanc, primeur, perlant, effervescent, moelleux, ou encore depuis peu (et ça ne fait pas rire les alsaciens) en vendanges tardives, nous voilà face à un panel ayant de quoi intimider plus d'un prof de latin, pourtant adeptes de déclinaisons à rallonge.
Résumons : des vignerons aux sensibilités différentes, une collection de cépages aux caractères bien trempés, un nombre de vins à rendre fous un bourguignon. Bref, si l'on veut découvrir le vignoble gaillacois, difficile de passer à côté d'un événement tel que la Fête des Vins, manifestation regroupant chaque année, début août, plus d'une cinquantaine de vignerons, au cœur du Parc de Foucaud, écrin verdoyant et bien agréable de la commune.

C'est donc là-bas, que durant deux jours, je plongeais tête la première dans la mêlée bulles, blanc, rouge (et le reste) proposée par l'Interprofession des Vins du Sud-Ouest. 

Quand on vit à Toulouse (ou juste à côté), qu'on a un semblant d'affection débordante pour le vin, on ne peut passer à côté des quelques appellations régionales qui entourent la ville rose. Gaillac et Fronton sont de celles-ci, les autres étant à quelques kilomètres de voiture, un peu plus loin. 

Et pourtant. 

Et pourtant cette proximité n'est pas si évidente à constater quand on écume bistrotiers et adresses gourmandes du tout Toulouse. Le voisinage bordelais, bien que souvent raillé, possède encore et toujours une place de choix dans les sélections des uns et des autres, tout comme le Languedoc, région au dynamisme évident ces dernières années. Alors, pourquoi ? Car même si Gaillac n'est pas, à proprement parlé, boudé par les gosiers toulousains, on entend d'ici le ronron d'une appellation qui mérite pourtant toute l'attention des amateurs de bon vin. En attendant donc que ces vignerons investissent un peu plus les verres de la Place du Capitole, baladons nous en terres gaillacoises et  voyons ce qui ressort de nos rencontres...

Côté bulles...
Au delà des méthodes ancestrales qui ne sont pas forcément ma tasse de thé, l'idée d'une bulles très peu alcoolisée, permettant de profiter de la pureté du raisin à toute heure du jour ou de la nuit, est quelque chose qui me plait bien. Ainsi, au Domaine d'Escausses, on propose un pétillant de raisin de Mauzac permettant, après un bon dîner ou à l'heure du goûter, de se rincer un peu les papilles. Frais et glissant, c'est un truc à découvrir, tout comme ce Bourru du Mas Pignou, un assemblage de Mauzac et Loin de l’œil, mis en bouteille aux premiers frémissements de la cuve, après une simple filtration stoppant la fermentation. 

Côté blancs

Le Mauzac, un peu mou du genou, a souvent besoin d'un petit coup de fouet pour proposer un visage bien plus sympathique. Ici, on y ajoute donc, à discrétion, un peu de Sauvignon, de Muscadelle ou de Loin de l’œil. Mais parfois, le sauvignon gomme par une aromatique un brin trop extravagante, une personnalité ayant simplement besoin d'un petit coup de pouce pour s'exprimer pleinement. Ainsi, au Domaine de Brousse, la sauce a bien pris et la Colline Blanche se trouve être un représentant bien vivifiant de l'appellation. Dans le même style, le Domaine de Peyres Roses propose un blanc d'entrée de gamme très agréable, tout en finesse et pétulance.

Côté rouges
Ah, les rouges...  C'est bien ici que s'opposent les différents visages du vin de Gaillac. Entre l'école du bois qui arrive encore à se faire entendre et à convaincre les amateurs d'élevages poussés, et les partisans d'une colonne vertébrale dédiée au terroir, laissant naviguer Braucol, Duras et Prunelart sous la coupelle d'une acidité salvatrice, mon choix est vite fait. Quel dommage de sacrifier une telle identité propre au pays tarnais ! Remarquons ainsi cette esquisse du Domaine Rotier, un triptyque Braucol, Duras, Syrah qui dessine avec gourmandise les contours d'un Gaillac voué au fruit. Un plaisir simple, efficace et sans soufre. Une syrah, qui, si elle n'est pas toujours bien intégrée, réussit à générer un plaisir intense, quand assaisonnée d'une pointe de Braucol, elle vient se présenter en figure de proue d'une production qualitative mise en œuvre par Jérome Bezios au Château Palvié. Ses Secrets de Palvié 2008, portés par des notes de girofle, une pointe de menthol et un beau cassis, encaissent sans sourciller un élevage discret et bénéfique, ajoutant cette touche sanguine et épicée qui appelle le beefsteak comme une évidence. 

Mais pour les puristes de l'encépagement local, deux cuvées se sont distinguées au milieu de cette photo grandeur nature du pays gaillacois. Pour les aficionados du Braucol, cousin du Cabernet, la cuvée de Damien Bonnet fait sans aucun doute office de référence en la matière. Un jus dense, épicé, sanguin et légèrement sauvage, qui malgré sa jeunesse, vous embarque au cœur du terroir. Au Domaine de Brin, tout est franchement bon, mais là, on touche à l’œuvre terroiriste par excellence.
Et puis il y a la question Issaly... Les vins de Michel, que je n'avais jamais véritablement eu l'occasion de goûter, étaient pour moi une des découvertes très attendues du salon. Et je dois bien avouer que le bilan fut mitigé, car certains des vins dégustés présentaient des déviances assez évidentes. Alors, quand le vigneron ne relève pas, et bien vous restez dubitatif, surtout quand au milieu de cette mêlée approximative sort un véritable bijou, portant le Prunelart au firmament de ce qui peut se faire ici-bas. Une fine dentelle d'épices et de violette posée délicatement au sommet d'une colonne minérale qu'on imagine sculptée avec la précision d'un orfèvre. Indubitablement LE vin de ce salon... 

Côté sucres
Fromage ET dessert étant l'adage de rigueur par chez nous, quelques grammes de sucres ne furent pas de refus à l'heure d'entamer la dernière ligne droite de cette virée gaillacoise. Tout d'abord orienté vers quelques OVNI régionaux, mes papilles ont vibré une première fois chez Alain Rotier, où ses Noces de Feu, 100% Duras (raisins passerillés, mutés sur grains) élevé 21 mois en fûts de plusieurs vins, sorte de jus de cerise saupoudré d'une ribambelle d'épices, charmaient les palais avec force et volupté. Plus gourmand et facile, ce Brin de Folie, est aussi un bel exemple de passerillage original. Ici, point de mutage, mais l'expression ultime d'un cabernet-sauvignon coquin, conjuguant à merveille douceur et fraîcheur, au cœur d'une liqueur de fruits rouges toute en équilibre. 
Et puis, il y a les blancs doux, et plus précisément les vendanges tardives. Ces jus de Loin de l’œil, fleurant bon le coing, le miel et le fruit exotique. Parmi les références indéboulonnables de l'appellation, la cuvée Renaissance du Domaine Rotier est un bel exemple du savoir faire régional. 

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Quelques heures ont passé sous le soleil à peine voilé par la végétation luxuriante du Parc de Foucaud, une belle manifestation s'achève, permettant de faire un tour finalement assez complet du paysage liquide local. Certes on regrettera l'absence de quelques piliers du cru (Plageoles ou Lescarret par exemple), ayant œuvrés et œuvrant encore au rayonnement du pays gaillacois. Mais après tout, une appellation c'est un peu comme une équipe de rugby, il faut des petits, des gros, des grands... et une fois sur le gazon, même si les fers de lance, devenus entraîneurs, sont sur le banc à distiller leurs conseils, c'est dans la richesse d'un groupe éclectique que se puise l'énergie d'avancer vers la reconnaissance. Et à Gaillac, nul ne peut douter de la qualité de ces femmes et de ces hommes façonnant, dans notre petit coin du sud-ouest, un agréable pan de la viticulture française.   


1 commentaire:

  1. Voilà un excellent article qui remet les vins de Gaillac à leur bonne place, à savoir au premier plan régional. Restaurateurs toulousains et sud-ouestien, pourquoi tant pousser le Languedoc ou le bordelais quand vous avez une si belle gamme d'excellents vins à proximité?

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