Un peu de tri !

mercredi 7 mars 2018

Make Cassoulet Great Again !

C'est l'histoire d'un cassoulet, ou plutôt d'une amitié, ou peut-être même bien les deux. Mais c'est aussi une histoire belge, aussi gourmande que drôle d'ailleurs, parce qu'on s'est quand même parfois bien fendus la poire.

C'est l'histoire de quelques couennes, d'un régiment de haricots tarbais et des leurs acolytes* venus des quatre coins d'un cochon local, pressés de prendre l'avion pour un baptême de l'air, une épopée charcutière, malheureusement sans retour pour eux.
Cuisiner un cassoulet, c'est comme profiter d'un bon vin, ça a le goût du partage. La recette y est évidemment pour partie, mais l'assemblée conviée à festoyer autour de la cassole sera celle qui, assurément, donnera la touche finale au plat. Le goût de l'amitié doit en effet suinter de chaque assiette, sans quoi, malgré les efforts consentis, la finale de chaque coup de fourchette risque de s'en voir légèrement affadie.

De la liste des ingrédients nécessaires, il ne faudra donc surtout pas oublier quelques éclats de rire, tintements de verres ou autres embrassades appuyées...

Sûr de l'accueil et de la légendaire hospitalité belge qui m'attendaient à quelques mille kilomètres de mon sud natal, remplir une valise de cochonnailles devenait donc une évidence. Sans oublier d'emporter une écharpe, un bonnet et quelques vêtements chauds, me voilà donc parti pour un périple de 3 jours en terres liégeoises, dont ce cassoulet devait être le point d'orgue. Bon, autant vous le dire tout de suite, ce cassoulet fut plus un fil rouge qu'un aboutissement, car il fut évidemment inutile d'attendre une pelletée de haricots pour commencer à frissonner de plaisir, un verre à la main et la fourchette alerte. 
Mais avant de retrouver la suite de ces pérégrinations chez les Goeyvaerts & Lacroix dans un prochain billet, concentrons nous sur cet ambassadeur populaire de la gastronomie, celui qui, couennes en bandoulière, est venu, l'espace d'un week-end, répandre la bonne parole sur les nobles terres des Annie Cordy, Jean-Claude Van Damme, Claude Barzotti et autre Plastic Bertrand. 

Faire un cassoulet c'est avant tout avoir de beaux produits, d'où la valise... Attention, je ne dénigre en rien la cuisine locale, mais le cassoulet c'est un peu comme le rugby : une histoire dont on ne cause sérieusement qu'une centaine de kilomètres autour de Toulouse**. Passé Montauban, il n'est déjà plus possible de trouver une saucisse à griller de bonne facture, alors au pays de la croquette de crevettes grises, de la gaufre et de la frite à la graisse de bœuf***... 

Fin de la digression. 

Je disais donc qu'il fallait de beaux ingrédients. De beaux ingrédients mais aussi et surtout une cassole. La cassole ? C'est ça : clique sur le lien pour découvrir que la poterie ça peut être autre chose que les cœurs en terre cuite offert par tes enfants pour la fête des mères.
En hôte consciencieuse, Sandrine avait donc pris les devants et commandé une de ces merveilles locales...
 
Nous étions donc parés. 

Et maintenant, place à la recette... Mais attention, comme il n'y a pas deux cassoulets identiques, il n'y a pas de recette miracle. Vous en ferez donc ce que vous voudrez, car moi-même, je la modifie à chaque fois. Pas en fonction de la Lune ou d'une quelconque croyance, non simplement en fonction du rayon de mon boucher, de mes humeurs, de mes envies ou de mes oublis. Le cassoulet est un plat simple, il n'a pas vocation à rentrer dans un cadre rigide. Il est comme un tube de Johnny, un film avec de Funès, ou toutes ces choses qu'on aime à s'approprier un peu : populaire. J'en avais d'ailleurs déjà proposé une première mouture, il y a quelques temps, et le prochain sera sûrement encore un poil différent.


Cassoulet façon "Abistodenas chez les Belges"

Pour une cassole de 10 personnes environ... 

- 1 kg 800 de haricots tarbais frais (que l'on peut congeler à la fin de l'été)
- Quelques coustelous (autrement appelés travers de porc. On peut en compter 6 ou 7, ça fera l'affaire)
- 1 morceau de jarret de porc ou/et de petit salé (qu'on veillera à dessaler, hein ;) )
- 1 morceau de poitrine salée
- 2 saucissons de couennes (ou plus quand cela devient un péché mignon...)
- 300 g de couennes fraîches et un pied de cochon
- 2 oignons
- 2 carottes et un poireau
- Un peu de coulis de tomates
- 1 tête d'ail rose
- 3 cuisses de confit canard
- 700g de saucisse de Toulouse (mais s'il y en a un peu plus, c'est pas bien grave...)
- Beaucoup de poivre et un poil de sel (les ingrédients s'en chargeront !)
- Un peu de thym, de laurier et quelques clous de girofle.
Si vous utilisez des haricots secs, votre recette commencera l'avant-veille du service. Mettez à tremper 1 kg de vos haricots préférés (lingot de Mazères, coco de Castelnaudary ou de Pamiers, ou encore haricot tarbais si les vous préférez bodybuildés) pour une durée de 24 heures. Puis, dans une grande marmite vous préparerez un bouillon avec votre pied de cochon, quelques couennes, un peu de poitrine, quelques grains d'ail, du poivre, votre oignon clouté, les carottes en rondelles, le poireau taillée plus ou moins grossièrement selon votre goût, une ou deux cuillères à soupe de coulis de tomates et le bouquet garni. Après une matinée de frémissement, vous ajouterez vos haricots et les saucissons de couenne. Si vous souhaitez évitez de bouffer un cassoulet façon EHPAD ou version étoilé, déstructuré, passé au siphon et autres excentricités sans mâche, il conviendra, dès ce moment là, de ne plus remuer votre marmite. Il faut préserver votre haricot. 
À côté, dans une poêle, faire revenir le reste des viandes (sauf la saucisse qu'on fera griller au dernier moment et le confit que j'ajoute un peu plus tard), avant de les envoyer dans le grand bain. Laissez cuire 3 heures, le temps de manger et d'aller faire un tour. Nous sommes maintenant veille de cassoulet, il est 15 ou 16 heures, il est temps de montez la cassole.
Frottez celle-ci avec de l'ail et à la graisse de canard, puis y déposer quelques couennes cuites au bouillon. À la louche, ajoutez des haricots dans leur jus pour faire une première assise qui accueillera le jarret coupé en morceaux, les saucissons de couennes en grosses rondelles, les morceaux de poitrine, les coustelous et le petit salé. Poivrez chaque fois que vous y pensez et recouvrez du reste des haricots en veillant à ce que le jus nappe bien l'édifice. 
Gardez précieusement un petit litre de jus de cuisson qui permettra de réanimer votre cassoulet le lendemain matin. Enfourner à 130°C pour une première cuisson de 3 à 4 heures qui permettra la formation d'une première croûte brunâtre qu'il conviendra d'enfoncer délicatement à chaque fois qu'elle se reformera. Il est 22 heures, l'heure d'éteindre votre four et de laisser la nuit à vos haricots pour faire connaissance et s'imprégner de l'ambiance pour créer l'alchimie idéale de votre repas à venir.

Le Jour J, rallumez votre four à 110°C et verser deux louches de bouillon à sa surface histoire de le réveiller un peu après cette nuit d'ivresse passée à s'acoquiner de toutes ces cochonneries. À la reprise d'un léger bouillonnement de surface, enfouir délicatement les cuisses de confit coupées en deux et revenues à la poêle quelques minutes, puis laisser cuire sans regarder l'heure. Évidemment, vous n'avez pas oublié, le temps de cette cuisson lente, de casser à plusieurs reprises la croûte se formant en surface... 
Au moment du service, faites griller le rouleau de saucisse dans le lequel on viendra piquer à discrétion, jusqu'à ce que le plat soit vide. Il ne reste plus qu'à profiter de quelques flacons venant laver le consistant menu et vous voilà repu et ravi, prêt à recommencer, car comme chacun sait, l'amitié comme le bon vin aident à digérer...

Nous concernant, entre quelques bulles de haut vol un après repas à l'éclectisme parfaitement maîtrisé, nos hôtes jetèrent leur dévolu sur deux très beaux magnums : un superbe gamay du très talentueux et très attachant David Large, et sur un jus fédérant le trousseau, la mondeuse et la syrah du grand Fanfan Ganevat. Deux accords parfaits pour faire glisser couennes et haricots durant toute une soirée.
Un excellent moment que ni la terre "sacré" d'une cassole, ni la cochonaille, aussi bonne soit-elle, ni ces quelques nobles haricots, auraient pu à eux seul rendre possible... Alors encore merci à vous Sandrine, Laurent, Mila et Ugo, ainsi qu'à vos amis. Oui, un immense merci !


* L'histoire ne dit pas qu'en fait, le jarret s'est fait la malle avant de rejoindre ses congénères. Peur de l'avion, faiblesse momentanée, ou simple oubli, toujours est-il qu'il a fallu trouver un remplaçant sur place car à l'ouverture de la valise, point de jarret de porc. Et à ce jeu là, c'est une bouchère qui a gagné le gros lot en me proposant (quand elle a appris que c'était pour cuisiner un cassoulet) ... roulement de tambour... : des saucisses fumées. Comme nous n'avions pas le temps de monter un bûcher, nous avons simplement pris du petit salé, qui, sorti du banc des remplaçants au dernier moment à parfaitement jouer son rôle.

** Et encore...

*** Une bonne dose de mauvaise fois est le plus souvent requise quand on veut causer sérieusement de cassoulet, comme quand on cause rugby d'ailleurs...



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