Un peu de tri !

mardi 8 juillet 2014

Orage ! Ô désespoir !

photo de Laurent Bazin
Sous la plume agile de Corneille, sur les bancs de l'école ou dans le confort moelleux d'une salle de spectacle, ce bon vieux Don Diègue s'apitoyant sur son sort après avoir pris une beigne, reste pour beaucoup un souvenir marquant de cette quête initiatique empreinte de littérature, débutée à l'école. Porté par la vengeance, rongé par le poids des ans, il trouvera son salut dans la fougueuse jeunesse de son courageux fils nourrit d'un fort sentiment amoureux. Un Cid sans trace de bouteille pleine ou de verre sacralisant la vigne (ou alors cela m'a échappé), mais dans un jeu de mot bancal, quand les éléments déchainés remplacent le mal du temps qui passe, c'est bien d'amour et de courage dont il sera question, à l'heure de ficeler cette analogie de la vigne et des mots.

Œuvre de tant de jours en un jour effacée ! 

Pour ceux qui n'auraient pas suivi les infos, ce dimanche la grêle s'est abattue sur une partie du Languedoc, causant de nombreux dégâts dans les vignes de la Malepère, du Minervois et des Corbières. Un épisode macabre pour la viticulture audoise, comme ont pu l'être précédemment les chutes de grêle en bourgogne, beaujolais, bordelais...

Sale temps sur la planète, dirait Francis Cabrel, le moustachu agenais le plus célèbre de France... 

Oui, mais face à la dure hégémonie d'un ciel sans complaisance que peut-on faire ? Les assurances, loin d'être crédules, ne prendraient en charge qu'une faible partie des retombées réelles d'un tel événement ; les canons anti-grêle sont d'une efficacité toute relative (et jamais encore prouvée à ce jour) face à l'étendue des vignes plantées, et puis quand il vous tombe sur le coin de gueule, des grêlons gros comme des coups de poing, difficile de s'en relever, surtout quand on sait que les canons ne sont pas ou peu efficaces sur les grêlons déjà formés. Il ne reste alors que le courage et l'amour d'un métier pour s'en relever... Mais face à toute cette bonne volonté, se pause aussi le problème de l'argent, cet inhibiteur d'envie, ce trouble-fête, qui sait trop souvent rappeler à qui doit l'entendre que la confiance ne se gagne pas à grands coups de bravoure.
photo de Frédéric Palacios
photo de Frédéric Palacios
Alors, il reste la parole, celle qui en semant ses propos au quatre coins de la blogosphère et d'ailleurs peut ensemencer les consciences, et ainsi permettre à ceux qui travaillent pour nos papilles et nos esprits, de trouver quelques gosiers solidaires et de bons goûts pour étancher leur soif de ces jus, fruit d'un travail méritant attention. C'est que des gars comme Frédéric Palacios, on n'en trouve pas à tous les coins de rue non plus ! J'en parlais il y a un peu plus d'un an, après une visite ô combien sympathique sur ses terres entourant le Mont Naut, à Arzens.

Parler de ces vignerons, crier haut et fort le plaisir que l'on prend à déguster leurs vins, voilà peut-être une des maigres solutions, qui permettra je l'espère à tous ces hommes et ces femmes de franchir le cap difficile qu'ils traversent en ce moment. Car après un tel coup de grêle, ce n'est malheureusement pas qu'un seul millésime qui aura mis genou à terre, en effet, meurtrie dans sa chair, la vigne devra se reconstruire quelques années durant, sous le regard bienveillant de ceux et celles qui la bichonnent à longueur de temps. En attendant que saigne à nouveau dans nos verres celle que l'on aime, il nous faut donc patienter... Un temps que l'on peut aisément mettre à profit en rendant visite à ces vignerons et leur acheter ainsi quelques bouteilles, histoire que leurs stocks s'amenuisent un peu et que cette période de césure à venir soit la moins douloureuse possible.

Débouchons donc ces bien beaux flacons et buvons à la santé préservée de ces vignerons !

Pour ma part, hier soir, en voisin distant d'à peine soixante kilomètres du sieur Palacios, ce fut un très beau Partez pour le Rêve 2010. Au nez, c'est un fruit sauvage, noir et mordant qui s'exprime. S'en suivent quelques effluves de réglisse et une touche d'épices apportant de la complexité à ce verre déjà bien avenant. En bouche, cette cuvée de cabernet sauvignon et de merlot se révèle d'une immense fluidité. Un vin dense mais digeste, glissant avec pureté dans un équilibre de grande classe. 2010 est un très beau millésime par chez nous, mais dans cette bouteille, c'est aussi le travail passionné et rigoureux d'un homme qui s'exprime. Car toute la Malepère se retrouve dans ce verre, cette salinité si typique en fin de bouche, cette trame aromatique propre à la région, sous influence océanique, mais teintée d'une pointe de gourmandise en provenance de la méditerranée. Bref, une très belle bouteille qui mérite que de nouveaux millésimes puissent voir le jour. Ce ne sera pas le cas en 2014, mais gageons que si dame nature fait preuve de clémence, et que toi, cher lecteur, tu décides de tremper ton museau dans quelques unes des très belles cuvées du Mas de mon Père, le destin de ces parcelles accrochées au relief de l'Aude trouvera à nouveau son épilogue au creux de nos verres, pour le plus grand bonheur de nos papilles amoureuses.

David Farge "ABISTODENAS"
photo de Frédéric Palacios
Edit 1: La page facebook pour être solidaire c'est ICI !

Edit 2: Sandrine, du blog voisin (la Belgique c'est à côté, hein !) La PinardotheK a commencé à recenser les domaines touchés pas la grêle, ça peut vous donner des idées...


Domaine du Mas de mon père, Fréderic Palacios côtes-de-malepère
Domaine des côtes de la Molière, Isa et Bruno Perraud, beaujolais
Domaine Olivier, Antoine et Rachel olivier, santenay
Château du chastelet, Quinsac bordeaux
Château Saint-michel du Viala, Régis Cogranne, minervois
Domaine Huber-Verdereau, Thiebault Huber, bourgogne
Château Planquette, Didier Michaud, bordeaux
Domaine du vieux moulin, Alexandre They, corbières
Domaine Nicolas Rossignol, bourgogne
Domaine Chantal Lescure, nuits-saint-georges
Grand bireau, Ludovic Barthe, bordeaux
Château Ricardelle, Thomas Nègre, coteaux-du-languedoc la clape
Domaine Sainson-Rossignol, Emmanuel Sainson, volnay
Domaine des Maels, minervois
Domaine de Pélissols, Vincent Bonnal, languedoc
Domaine Borie de Maurel, minervois
Domaine Bouley, Jean-Marc et Thomas Bouley, bourgogne
Domaine Parent, Anne et Catherine Parent, pommard
Tour Haut-cassan, (vignobles Courrian) Philippe Courrian, médoc
Domaine Serol, Stéphane Sérol, côtes-roannaises
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