2 blogueurs, une 2 CV rouge et blanche, 3 jours le long de la
mythique Nationale 7, 300 km de Lyon à Avignon, 35˚ à l’ombre, beaucoup
de belles rencontres. Descendant toujours plus au sud, nous voilà maintenant flirtant avec les limites du Rhône septentrional...
En cette belle matinée ensoleillée, nous quittons Tournon pour rejoindre Livron, 40 kilomètres plus au sud, entre Valence et Montélimar. Après avoir rincés nos gosiers sur les pentes de Cornas jusqu'à une heure assez tardive, rendez-vous est pris avec Julien et Emmanuelle Montagnon du Domaine Lombard pour découvrir ce qui deviendra j'espère une nouvelle appellation phare de la vallée du Rhône : Brézème.
Neuf heures du matin (il n'y pas d'heure pour le bon vin), nous nous serrons la poigne sur le parking de la station service de Livron. Un petit tour pour reluquer la plastique rutilante de notre bruyante mascotte rouge et blanche, et nous voilà repartis, à flan de coteaux, pour découvrir la topologie vallonnée d'un terrain de jeu propice à la syrah et autres réjouissances ampélographiques locales. Cette première halte au lieu dit "La Tour du Diable" permet rapidement de prendre conscience des pentes démesurées accueillant tant bien que mal les ceps tortueux de ces raisins forcément prémunis contre le vertige. Le lieu est impressionnant et surtout un parfait prétexte (et un clin d’œil habile de notre couple à la dégustation de la veille) pour goûter une bouteille de la grande cuvée La Tour du Diable sous la surveillance de cet édifice légendaire. Un peu moins d'un hectare en exploitation, sur un des plus beaux terroirs du coin. Un hectare supplémentaire a été planté, mais à quel prix ! Défrichage du coteau (et il n'y pousse pas que des pâquerettes...), construction des murs en pierres sèches pour retenir la terre et permettre le passage du cheval, installation des piquets... bref, une année pleine pour rendre à Brézème son rayonnement passé.
Oui, car même si cette appellation (qui n'en est pas encore tout à fait une) est un peu l'inconnue au bataillon du catalogue vinicole rhodanien, par le passé, Brézème jouissait d'une belle réputation. Souvent comparée à la mythique colline de l'Hermitage tant au niveau topographique que géologique, les vins de l'appellation y sont d'ailleurs élaborés avec les mêmes cépages (à l'exception d'un soupçon de viognier pouvant compléter les assemblages). Ainsi, à ce jour, ce sont à peine plus d'une vingtaine d'hectares qui sont en production sur l'appellation, dont 7 hectares et demi pour les seuls sécateurs de la famille Montagnon (et 2 hectares en plantier). Avec moins d'une dizaine de vignerons se partageant ces terroirs d'exception, ici, on se compte tous les matins afin d'éviter les défections face à l'immense ouvrage visant à remettre Brézème sous les feux de la rampe. Mais les convictions sont fortes, et au Domaine Lombard Julien et Emmanuelle travaillent aussi pour l'avenir : un nouveau chai en construction, le défrichage et l'aménagement de nouveaux espaces, seront autant d'investissements utiles pour les années futures.
À la vigne, le domaine est en bio, adepte de la biodynamie, les vendanges sont manuelles (en même temps, quand on voit les lieux...). Une fois les raisins rentrés, les vinifications se font sans intrant, un peu de soufre est tout de même permis, en fonction des besoins.
Il est d'ailleurs temps de rejoindre la fraîcheur du chai, pour une petite dégustation...
À gauche les nouvelles vignes, à droite : il reste du travail...
Le verre à la main, partons maintenant à la découverte de la plus méridionale des appellations du Rhône septentrional au travers du travail effectué au Domaine Lombard, repris en 2011 par nos hôtes du jour.
Nous débutons par un viognier mordant aux sympathiques notes d'eucalyptus, un petit vin mettant à l'honneur un cépage gourmand, ici rehaussé d'une touche de vivacité salvatrice. Et justement, cette vivacité sera un peu le dénominateur commun d'une production particulièrement plaisante. Le second blanc proposé par le domaine est un Brézème blanc 2012 (80% marsanne, 15% roussanne, 5% viognier). Croyez-le ou non, mais il lui aura fallu une bonne journée de voiture pour s'ouvrir pleinement et devenir un vin plein, d'une rare pureté. À l'origine un peu groggy, sa touche de fleur d'oranger, le croquant de l'amande et une bouche portée par de beaux amers, livraient un beau vin. Mais après un voyage en carrosse, le temps aura permis de révéler un jus d'une amplitude et d'un équilibre remarquables.
Les rouges, plus accessibles dans l'immédiat, auront tous chahuté nos papilles en quête de pétulance liquide. De La Côte (90% syrah, 10% viognier), petit jus à l'efficacité ravageuse, aux rouges de l'appellation sublimant la syrah, l'ensemble est tout à fait remarquable. Eugène de Monicault, qui donne son nom à l'une des cuvées du domaine, illustre ancêtre à l'origine de l'implantation des vignes au domaine Lombard et ambassadeur de Brézème, peut être fier de ses successeurs. Donnant des jus vifs aux aromatiques subtiles : entre jasmin, thé vert et frivoles touches lardées, les vins du domaine, séveux à souhait, savent aussi charmer de part leur structure souple et leur toucher cristallin. Des vins aériens et charnus, l'équation parfaite pour inconditionnels de la syrah en manque de sensations...
De l'ombre à la lumière... C'est sous l'impulsion de vignerons comme Julien et Emmanuelle Montagnon que Brézème retrouvera ses lettres de noblesse. Car sur les pentes balayées par le mistral et l'air froid du Vercors, à la confluence du Rhône et de la Drôme, dans l'intimité d'un terroir encore discret
mais faisant chaque jour ses preuves, se joue une des très belles partitions que le Rhône puisse nous livrer.
Cap maintenant sur le Rhône méridional, nous quittons ainsi le paradis de la syrah pour rejoindre les terres chaleureuses du grenache. À suivre la semaine prochaine...
il serait temps que Julien Montagnon nous montre quelque chose car en Roussillon...
RépondreSupprimerEric Dumez Bruxelles
Je n'ai pas eu l'occasion de goûter à son aventure en Roussillon, mais je me régale vraiment depuis plusieurs mois maintenant, notamment de ses rouges... De grands vins encore accessibles et d'une rare pureté.
SupprimerJe viens de déguster ces vins a Biotop, et j'ai été ébloui, fraicheur, fruit, elégance. Superbe
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