Un peu de tri !

mardi 5 août 2014

Polémique gasconne...

La polémique a enflé si vite, mettant toute la glouglousphère en émoi, déliant les langues, aiguisant les argumentaires pour mieux tailler les égos. Comme un pet sur une toile cirée, ce bourdonnement au relent de soufre gascon a parcouru le web en quête de vérité, se limitant malheureusement, le plus souvent, à un choc de générations aux allures de lutte des classes... L'Internet pinardier en sort-il grandi ? Peut-être, peut-être pas, mais à mon humble avis, le plus important reste que les opinions s'entrechoquent et que ce groupuscule aux allures de village gaulois, parfois imbibé au mauvais alcool, continue de s'épanouir dans le respect de tous.

Oui, car il ne faut pas exagérer, ici, point de gantelet jeté à terre, ou de vindicte numérique. Juste un échange de points de vue tantôt marqués par l’hégémonie du seul goût, juge impartial, livrant son verdict sans atermoiement possible, tantôt sous forme de discours de politique générale appliqué au vin.

Pataugeant d'une plage à une table, d'un coin de ciel bleu à la flaque laissée là par une averse, les pérégrinations estivales sont l'occasion de se pencher sur la chose vinique. S'autorisant des excès que le quotidien ne verrait pas d'un très bon œil, l'été et ses plages de temps suspendues au bord des verres, permet ainsi d'attendrir quelque peu ses papilles.
Ainsi, alors que l'heure n'est en aucun cas à la précipitation, comment percevoir ce brusque coup de coude, quand arnaché au comptoir d'un été bien entamé, on se voit proposé par une des belles plumes du web liquide, d'ailleurs dégustée régulièrement, un verre ou deux d'une potion mercantile, trop souvent solution de facilité. Tariquet, le voisin faisant référence chez bon nombre d'adeptes du verre de blanc à l'apéro. Ce mastodonte du sud-ouest, implanté en Gascogne, dont la dénomination tient plus de la marque ou de l'appellation que du nom de domaine à l'origine du succès de la famille Grassa.

Une success story liquide évoquée, non sans une once d'ironie, l'an dernier, à l'occasion d'un de ces tests légers que l'on ingurgite à l'ombre d'une couche de crème solaire :
Détourner son regard de Tariquet et consort, c'est aussi s'engager contre toute forme de standardisation du goût. Car les millions de bouteilles produites à Eauze, en plus de contenir de quoi plier pas mal d'asthmatiques en moins de deux, visent une uniformisation de la production d'une année sur l'autre, sans âme, les vins s'en trouvent à la longue ennuyeux, malgré une apparente facilité à les picoler bien frais... 
Alors, je ne vais pas vous la refaire quinze fois, en long en large et en travers, car même si les relents excusables de nos compères d'écriture (car nombreux ont été ceux qui y sont allés de leur refrain décomplexé, la facilité du propos aidant), tendent à légitimer des faiblesses évidentes quand il s'agit de boire un coup en plein désert, il est aussi simple d'affirmer son goût en le teintant d'un brin de politique.
À l'image d'un Pousson (qui dans un élan de camaraderie, vint soutenir son ami élevé au carignan ???) fustigeant il y a peu, avec un enthousiasme que j'aimerais le même ici, la colonisation des cartes liquides en restauration par les Caca-Cola & Cie, c'est avant tout ce droit à la diversité que je souhaite réitérer dans ces quelques lignes. Oui, car le problème est bien là. En effet, s'il n'est pas crédible de condamner Tariquet sur l’autel d'un certain bon goût (car en toute objectivité, les produits sortant de ces usines ne sont après tout pas si mauvais), c'est bien cette impression de standardisation du goût s'affranchissant de toute empreinte affective ou morale qui pose problème. Alors non, quand on boit un verre de Tariquet on ne croque pas la pomme d'un éventuel pécher originel, mais tout de même... 

Que d'efforts consentis par ces milliers de petits, sans porte-voix, mais non dénués de savoir-faire ! Je repense ainsi à ma dernière visite chez Floréal et Claudine Roméro, dont les vignes jouxtent en partie celles de la star locale. Alors, plutôt que de tirer mon plaisir vers le bas, je préfère amplement tirer mon chapeau à ceux qui font vivre cette diversité. Pas toujours facile à comprendre, elle bouscule simplement l'autoroute d'un quotidien à l'unicité faussement réconfortante.  
Une uniformité que l'on constate malheureusement trop souvent à l'heure de parcourir la carte des vins de bon nombre de cantines plus ou moins apprêtées. Poussant ainsi la porte du cousin et de la cousine brivistes, tenanciers du restaurant Amédélys, attablé non pas pour discuter famille, mais bien pour abuser de la fourchette et de quelques décoctions à la carte, quel ne fut pas mon plaisir de constater à nouveau qu'une cuisine simple, faisant la part belle aux produits frais, tout en prenant soin du budget vacances, ne délaissait pas la dimension liquide si importante à mes yeux. Et pourtant, malgré quelques visites d'aficionados du goulot, ce n'est pas pour ces convictions bachiques que le restaurant fait salle pleine durant l'été. Mais aux sirènes d'une facilité tendant les bras, c'est bien une curiosité, certes chronophage, mais bel et bien passionnelle, qui permet à tous de prendre soin de ses papilles, du verre à l'assiette, une fois les coudes posés sur la table.  
Une de ces tables ne laissant pas le choix du déjà vu conditionné pour tous, mais offrant l'excitation de la découverte. L'inconnu fait souvent peur, l'infantilisation des masses permet de minimiser les risques et d'éviter d'essuyer les refus ou la désapprobation du bon peuple. Alors un peu de sensibilisation à l'inexploré ne peut pas faire de mal, n'en déplaise aux autoroutes du goût formaté.
L'autoproclamé Taulier parisien a beau se gausser des prétendues intentions révolutionnaires portées par le discours "obscurantiste" de quelques ignares jeunes loups, il est tout de même un monde d'écart entre émettre le souhait d'une éducation pour tous, affutant le libre arbitre de chacun, et l’instauration d'un dictat vilipendant les malotrus ne goûtant pas l'utopie d'un monde glorifiant le vin au goût de chèvre... Mais bon, les raccourcis et les grandes citations font briller les argumentaires. 
Car, il n'est aucunement question d'éreinter le propos de notre Mister Carignan, simplement de rappeler que si l'on s'évertue à citer le rôle de la famille Grassa dans la reconnaissance d'une région viticole peu à peu délaissée, il faut aussi penser à regarder vers l'avenir. Un avenir, qui par ces modestes interventions, diluera peut-être un peu la prépotence de notre gros malabar gascon, laissant ainsi un semblant de place à des discours liquides un brin différents.
Et tant qu'à jouer les distributeurs de bons mots ou de belles histoires, je me permets de partager cette définition du vin proposée par Colette. Pas d'explication grandiloquente ou de discours prétentieux, non, une simple vision pluraliste où tout le monde pourra trouver une place, sans que les pedigrees de chacun ne soient mis à l'épreuve des chiffres et du simple goût :
"Le vin est issu de la terre dont il est la traduction, il est l'assemblage des qualités du sol liées au hasard et au bienfait du climat. C'est le résultat du travail de l'homme: dur labeur des vendanges et gestes ancestraux vont engendrer une divinité à qui l'on doit le respect. Le vin n'a rien d'un monolithe, c'est la diversité même."

2 commentaires:

  1. "Un avenir, qui par ces modestes interventions, diluera peut-être un peu la prépotence de notre gros malabar gascon, laissant ainsi un semblant de place à des discours liquides un brin différents".
    On dirait que tu ne m'as jamais lu auparavant. J'ai passé 40 ans à exposer tout ce qui pouvait être "différent" autour de moi. Normal, je suis d'un naturel curieux et je goûte TOUS les vins, le plus souvent loin des chapelles.

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    1. Cher Michel, je ne parle aucunement de toi dans ce passage. Je dis simplement que ce débat aura permis peut-être de diluer un instant et dans une mesure minime la com' envahissante de Tariquet. C'est une remarque globale. Comme je le dis dans le billet, ces quelques lignes ne répondent aucunement à ton billet de l'autre jour, mais rebondissent simplement dessus pour contextualiser "à ma façon" ce que peut engendrer Tariquet et une éventuellement uniformisation des goûts. Je sais très bien quel partisan de la diversité tu sais être... ;)

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