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L'interview qui cuisine la glouglousphère... |
@lapinardothèque
Et aujourd'hui, cap au nord ! Direction le
Beaujolais où le talentueux David Large, presque homonyme du jour, nous prouve
qu'il sait aussi bien jongler avec les mots qu'avec les grappes de gamay.
Blogueur, poète, mais vigneron avant tout, il se livre avec tendresse et
spontanéité sur son quotidien de faiseur de vin trentenaire...
J'avais dégusté deux de ses vins y a quelques temps de ça. Blanc ou rouge, c'est toujours propre, gourmand, vibrant et sincère. Du
vrai vin, du vin vrai. Rien que ça. Alors essayez de choper quelques bouteilles
de ce type. On en parle un peu aujourd'hui, mais il sera toujours là demain.
David Large, c'est le gendre idéal, mais aussi un peu de notre avenir.
Bonne lecture et large soif !
1- Bonjour à toi et merci de participer à ce nouvel épisode de Cru ou Cuite ? L'interview qui cuisine la glouglousphère. Commençons si tu le veux bien par les présentations...
Je m’appelle David Large. J’ai 31 ans et demi en décembre. Je
suis devenu vigneron à plein temps depuis 1 mois. J’ai toujours été triple actif
sinon.
J’ai un stigmate de piercing à l’oreille gauche. Car j’assume mon
passif Beauf avec diamant à l’oreille. Pas tatoué, mais je rêve de me faire faire
sur le flanc gauche, le 357 Magnum de la BD "SODA" de Gazzotti. On m’a présenté
le travail d’un artiste tatoueur il y a peu. Soit ça, soit la Punchline LA
CALOTTE DE TES MORTS sur mon tibia. On verra.
Pour le domaine... On est au bled de père en fils depuis 1840 (au
moins). J’ai ça dans le sang et dans le son dès le premier cri, jusqu’au
dernier souffle. J’ai été aide familial à partir de 16 ans, je me suis installé
à 18 ans. Je me suis planté. Je suis parti ailleurs. Depuis la retraite de mes
parents en 2011, j’ai converti une petite partie de ce qu’il nous restait en
agriculture biologique. Je reprends des parcelles en ce moment et j’ai monté un
petit négoce. Je fais tout à la maison. J’ai l’impression de ressusciter.
L’ancien David Large est mort sur les collines de Chiroubles. Je tourne le dos
à Dieu, je laisse Lucie faire. Je rêve de voyager grâce à mon vin et mes
nouvelles rencontres. Je refais du vin avec une mentalité d’enfant de 8 ans. Et
le matin je me lève avec le générique des tortues Ninja.
2- Actuellement, niveau boulot, c'est plutôt battle de Hip-Hop
dans ton garage, ateliers scoubidou et belote ou souliers crottés, ampoules et
mal de dos ?
Tu peux tout mettre dans le shaker à Tom Cruise pour cette
question.
Je m’occupe de me structurer au niveau administratif. Ça me prend
pas mal de temps et de nerfs. Comme beaucoup d’autres vignerons, je finis mes
vinifications, je réinvestis un peu dans du matos pour préparer mon travail
d’automne et hiver. Je prépare mes premières expéditions à l’étranger pour mon
Beauj' Nouveau. Je prends toujours 5 minutes pour écrire un ou deux poèmes ou un
petit pamphlet sur l’amour entre deux remontages et deux soutirages. Je
m’occupe aussi au niveau associatif d’un club de MMA à Beaujeu avec mon coach
et acolyte Jean Noel :) ça occupe bien. J’ai le projet d’aller ramasser des
champignons et quand je fatigue je me mets le générique de Dragon Ball, la
première saison (Le mec est resté bloqué dans le passé. Allo ? Allo ?)… Je mets
plein de trucs en route. Je cours après le temps.
Générique Dragon Ball pour les vrais:
3- Sinon, à part sosie de M.Pokora ou pilote d'essai chez Dacia,
si tu n'étais pas vigneron, tu ferais quoi aujourd'hui ?
Très bonne question… Raper? Jamais de la vie ! Chacun son taf ! N’est pas Rohff, SCH ou Seth Gueko qui veut.
Pour le MMA je préfère rester bénévole et associatif, ça me plait
mieux et je suis plus à l’aise quand il n’y a pas d’argent en jeu dans ce que
je fais. J’ai le cœur plus léger.
Sinon, si j’avais pas fait vigneron, je serais resté au Canada pour
travailler dans les vignobles de Colombie Britannique.
J’ai pensé à faire acrobate
itinérant aussi mais j’ai du mal à dormir quand c’est pas chez moi.
J’aurais bien fait pirate de la route. Carjacker les voitures que
je ne peux pas me payer… Partir à la plage avec et les ramener avec le plein.
Mais maman aurait eu de la peine…
Là elle se fait juste du souci que je redevienne vigneron. Alors
je vais devoir réussir :)
Mais je dis qu’en Beaujolais ,
qu’à défaut d’avoir la police au cul,
je réveille mes forces occultes.
Un petit Rohff:
4- Une fois la semaine de boulot terminé, tu serais plutôt nœud
papillon et gros canons ou fritons et vin de la maison ?
Ça dépend de mon environnement et de mon humeur. Et surtout qui
m’accompagne. Je viens de la paysannerie précaire, on mange parce qu’on a faim.
Du coup je suis pas difficile. Je me fais plaisir avec tout. Le casse-croute
des vendanges me met en joie. Le Hot-Dog du marché aux puces ou des compet’ de
BMX dominicales me remplit de joie avec le gobelet de Stella Artois bien sûr.
Mais je demande qu’à apprendre et on m’a initié à la gastronomie et dans ces
moments là, j’aime bien goûter des vins au verre. Des vins stars dont j’entends
souvent les noms. J’aime de plus en plus. Manger moins, mieux… Je fais plus
gaffe qu’avant même si j’avoue acheter
premier prix en supermarché des fois. Va savoir pourquoi. Revenir à la
terre me calme, il y a un côté branleur
dans la gastronomie qui me fatigue beaucoup. Avec le sport je me cadre
également. Je dois donner l’exemple aux petits. J’y veille. Mais le mâchon Beaujolais reste mon talon
d’Achille… Je me suis fixé le but de toujours voir mon zizi quand je ferai pipi
à 60 ans. L’avenir nous le dira.
Je vieillis, je vais devenir sage. Comme mon papa je ferai un
grand jardin, j’aurai des poules… Je mangerai maison avec les vins des copains.
;)
Mon vieux :
5- Dieu créa la femme. Et toi ? Plutôt créa' ou plutôt flemme ?
J’ai toujours envie de créer des trucs. Je continue mon blog, je
viens de faire quelques chroniques culinaires en radio, on vient de faire un
partenariat avec les Cristaux Vessière à Baccarat pour mes dégustation pro ou
perso. Je planche toujours sur des soirées vins et musiques dans les milieux
underground lyonnais :)
J’ai commencé à défricher une parcelle en côteau qu’on avait
arraché il y a 10 ans avec Papa. Ça fait du bien. C’est dur de voir l’avenir des
fois, y’a pas une journée qui passe où j’ai pas envie de baisser les bras mais
je me sens vraiment « homme », tu vois le truc ? Ça me plait de trouver
ma voie petit à petit. Trouver ma place. Depuis que je suis ado je ne comprends
pas ce qu’on attend de moi dans la société ou dans l’espace. La vigne, le vin,
le domaine, mes parents... m’aident beaucoup à ça et je commence à le comprendre
à 31 ans. Ma seule limite c’est moi en fait comme me disait Miki :) Donc je
vais continuer à diffuser le vin, j’ai plein d’idées. À Berlin, sur les toits, on s’était dit avec
les copains, « Tout niquer dans la vie ». Tiens voilà un autre truc à mettre sur
l’autre tibia.
6- Si tu devais te révolter, ce serait : pour qu'on arrête de
parler de raisins blancs alors qu'ils sont verts ou jaunes ou alors pour qu'on
arrête de dire qu'il ne fait que flotter dans le Beaujolais (en même temps...)
?
J’essaie d’être moins en guerre dans mon cœur. Mais j’aime pas
les gens qui disent pas « bonjour ».
Je fais un métier de solitaire mais je fais partie d’un environnement et
les gens malpolis j’aime pas ça. J’aime pas ceux qui prennent en photo tout ce
qui mangent. J’aime pas ceux qui se branlent sur les vins ou sur certains
vignerons comme si c’était des divinités.
J’aime pas les gourous ou les faux prophètes… Que ce soit dans le
milieu « vin nature », biodynamie, sportif… On peut faire une religion
de n’importe quoi. J’aime pas les gens arrogants dans le vin qui ne parlent que
de prix ou de grands noms. Ça se branle… C’est sûrement pour ça qu’ils mettent
tous #FoodPorn. Des fois y’a des gens qui sortent de formation adulte, ils ont
jamais rien fait mais ils viennent m’expliquer… Je kiffe tellement.
J’aime pas l’esprit Français, j’aime pas les petites
balances, j’aime pas ceux qui ne font que décourager les projets, j’aime pas les
rageux… J’étais un jaloux avant, au lieu de féliciter ou de vouloir faire mieux
que les autres, je critiquais. Je devenais français. Après j’ai voyagé un peu et
ça va mieux. Mais je suis comme mes vins, complètement imparfait.
7- Il te reste une paire d'heures pour boire un coup et te passer
un disque, prendre un bouquin ou mater un film, si on met de côté tes 33 tours
de Francky Vincent et ton anthologie du saucisson brioché en 6 volumes, tu
choisis quoi ?
Tu veux dire, il me reste une paire d’heures avant de claquer?
Je mets l’album « Première consultation » de Doc Gyneco
puis l’album de Houellebecq… Je me sers un verre de Beaujolais Villages de mon
papa et je lis l’intégrale de Wolinski.
Et je fais l’amour plusieurs fois, une dernière fois dans le noir.
Je ressers des verres de Beaujolais Villages, en magnum cette fois. Je relis à
voix haute les 50 premières pages de Voyage au bout de la nuit et le poème de
Jacques Mesrine…
Et si je sens le dernier souffle arriver je fais des doigts d’honneur
à la fenêtre. J’ai une tendance à faire des doigts d’honneur quand je suis
content ou contrarié… Y’a pas d’heure.
(Je mets du temps à claquer)
Même à l’enterrement je serai en retard.
8 - Dernière question, tu as le choix entre te taper la biographie
de Gérard Collomb, l'enfant du Beaujolais ou nous livrer ton ressenti sur le
vin de demain. Tu choisis quoi ?
C’est difficile de parler du vin de demain. Demain c’est
Loin… Je m’imagine dans 60 ans d’accord ?
Le vin redeviendra populaire. Les gens reviendront à la terre
parce qu’ils ne supporteront plus la ville et leur travail. Les vins "nature"
auront tout explosé, il y aura plein de petits vignerons paysans en
polyculture, plein de petits phalanstères complètement autonomes. En marge
d’une autre agriculture sous perfusion qui aura survécu et qui se sera
transformé. Il y aura les deux écoles, celle du micro d’argent et celle du
micro en bois.
On ne parlera plus que des vins de vignerons, les appellations
n’auront pas survécu. Ou alors que les prestigieuses… Comme des reliques. Les
gens feront la queue pour venir voir en spectacle comment on travaille la
terre. L’agriculture et la viticulture redeviendront des sources d’emploi car
il n’y aura plus de travail en ville. Si la société saigne trop, l’agriculture
et la viticulture redeviendront des « tampax » sociaux.
Vignes sauvages sur les toits
de tous les buildings, partout.
Franchement ta question est super dure… J’espère juste que les
gens seront polis et se diront bonjour en buvant des vins sains.
Il faut que le vin de demain soit encore là après demain et encore
après après demain… Voilà le vin de demain.
On est encore là :
Demain c’est loin :
Bonjour :
Amour et Beaujolais sur vous.
Je peux avoir le portrait de Gérard Collomb ?
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Merci à David Large pour cet entretien et à bientôt pour un nouvel épisode de
"Cru ou Cuite ? L'interview qui cuisine la glouglousphère" !
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