Un peu de tri !

mardi 16 septembre 2014

L'oublié du PAF... (Vino Business, surtout Business)

Hier soir j'ai regardé Vino Business. Voilà. Avant de voir le film, j'avais lu, ici ou là, les avis posés sur la toile, sachant malgré tout, ce qu'écriraient les uns et les autres. C'est qu'à force de se lire, on commence à se connaître. Et il est vrai, qu'en partant de chacune des postures idéologiques défendues aux quatre (petits) coins du microcosme pinardier, on peut comprendre la lecture enflammée que certains font de ce documentaire :

Les défenseurs d'une viticulture éco-responsable trouvant, dans l'argumentaire d'Isabelle Saporta, largement matière à dénoncer la vision purement spéculative d'une élite bordelaise à des kilomètres des réalités de la terre ; quand les palais dorés des aficionados de Grands Crus Classés prêchent avec aisance, pour la décrédibilisation d'une vision purement manichéenne, opposant, comme dans un album de littérature enfantine, une certaine noblesse au brushing impeccable et un bon peuple trouvant refuge, tels des sans arme, dans un quotidien baigné par l'amour de la nature.
Vision réductrice s'il en est, ces quelques lignes, comme ce film, sont tout de même, il me semble, un bon résumé d'une lutte des classes entamée il y a maintenant quelques siècles de ça. Alors, que pour une fois, ce soit le vin qui se pare du drapé rouge de la contestation, pourquoi pas... Mais on aurait tout autant pu parler métallurgie, agro-alimentaire, pétrole ou finance.

Mais non, notre vin, lui qui reste le plus souvent un thème absent des écrans ou de toute couverture médiatique d'envergure, servira de support à la controverse, comme ça, sans prévenir, un soir de grand écoute.

(Ah oui, au fait, soyons bien d'accord que le marronnier annuel des Foires aux Vins de la grande distribution, traité par dessus la jambe, caméra à l'épaule dans les rayons du Franprix du coin, n'a strictement rien avoir avec le vin. On y achète des prix, pas du vin, alors...)
« Mais pourquoi le vin ?! » 

Car de ce reportage, finalement, je ne vois pas très bien quoi en retenir. Qu'il relance le débat autour de cette enclave dorée, cette chasse gardée, que peuvent être les Grands Crus bordelais, pourquoi pas. Mais finalement, est-ce véritablement en essayant de forcer le verrou d'une omerta plusieurs fois centenaire que l'on changera la vision collective du vin ? Malgré les dorures dégoulinant jusque sur les flacons, reflet d'une indécence certes condamnable, mais visible de tous, je ne pense pas. Et ce ne seront pas deux paires de cuissots bourguignons, au galbe certes proche de la perfection, prenant un bain dans une cuve, pour les besoins de l'image, qui suffiront à rapprocher le client lambda de cette autre viticulture survolée pour la nécessité du contre-pied.  
Car au-delà de la caricature regrettable opposant bordelais et bourguignons, dans un flots d'approximations que seuls les Techer, vignerons censés de Pomerol, arriveront à contrarier, c'est peut-être bien du vin qu'on oublia de nous parler. De cet élixir des tablées familiales, de ce lubrifiant social ponctuant les débats enlevés, de cette nourriture de l'esprit aux récits infinis, de ce compagnon millénaire de l'humanité, amoureux transi de notre terroir français...

Oui, il aurait peut-être fallu simplement nous parler d'amour. 

Parcourir cette autre France vitivinicole, celle qui commence certes les pieds dans la terre, en Bourgogne, mais aussi à Bordeaux, dans le Jura, le Languedoc ou ailleurs, mais qui n'oublie surtout pas de se finir au creux d'un verre. Montrer ces images du vin comme organe de plaisir, blasphémer un peu, en déclamant son amour pour un vin que l'on aimerait sain, ou plus simplement : donner envie... Car, quand la majorité des gens achète leur vin comme on achète du PQ ou du produit vaisselle, militer pour l'immense diversité culturelle du vin me semble être un impondérable de tout argumentaire vinophile. 
La critique est aisée, certes, et les quatre-vingt minutes que durent ce plaidoyer, savent parfois pondérer la frustration de l'instant. Mais le croustillant du propos s'ancre malheureusement trop souvent dans le surréalisme d'une vision biaisée par l'argent. L'incrimination devient alors raillerie, comme quand Hubert de Boüard laisse le carillon rutilent de l'Angélus entonner un Star-Spangled Banner à faire se retourner Jimi Hendrix dans sa tombe. On s'intéressera par contre au propos facile mais réaliste d'un Dominique Derain conscient des peurs qui nous étouffent, et l'on pourra aussi s'émouvoir de ces combats isolés, de ces petites histoires tragiques, ne faisant que difficilement ciller les regards déjà bien loin des accros du pulvé.
Alors non, je ne jette pas du tout la pierre à Isabelle Saporta, qui aura eu au moins le mérite d'essayer, mais simplifier et vulgariser sont pour moi deux choses bien différentes. Vino Business est donc, à mon humble avis, un de ces documentaires qui se laisse boire (sans mauvais jeu de mot), mais avant tout une caricature, informant à coups de sensationnalisme timide sur l'obscurantisme d'une toute petite frange de la viticulture française, et surtout, un documentaire ignorant tout un pan de ce que sait aussi être le vin : un vecteur de plaisir sans pareil. Et pour une fois que la télé se penchait sur la chose, dommage qu'elle n'ait pas pris le temps de trinquer avec nous.



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