Un peu de tri !

vendredi 23 décembre 2016

Boire et manger : le tutoriel de la Noël !

Boules, guirlandes et pampilles arrimées au sapin, l'esprit de Noël s'est emparé d'un grand nombre de salons familiaux... La télévision crachote quelques vieilleries plus ou moins géniales et dans la tuyauterie stomacale du parisien ou du provincial, le même instinct de survie a repris l'avantage sur les velléités estivales d'amincissement. Pour en avoir la preuve, rien de plus simple : parcourez la presse saisonnière, celle dont les feuillets caduques tombent dans l'oubli sous l'impulsion ventée d'une page tournée. Entre bonnets à la mode, bottes en poils de renne et déco de Noël, aucune trace d'un régime. Vous dénicherez peut-être ici ou là, dans la frange extrémiste du genre, quelques conseils pour chopper une gastro avant les fêtes, mais rien de plus au rayon culotte gainante, regard de braise et teint hâlé des magazines.

Alors toi (oui je te tutoie, fraternité de fin d'année oblige), cher lecteur en déshérence, dont la quête d'une perfection en rouge et blanc emplit chaque recoin de tes pensées... et de ton portefeuille, sache que j'ai pensé à toi. Oublions les chroniques goutte au nez, les tests de bonnes résolutions ou les marronniers sur papier glacé : Mon enfant est-il trop gâté ? Comment rester tendance en hiver ?...  Aujourd'hui, je vais t'aider à coller un de ces sourires sans édulcorant entre les deux oreilles de toute ta tablée de papilles acérées que tu t'es appliqué à réunir. Parlons des vraies choses, et pour cela, voici un petit test de bon glou, du style "Dis-moi ce que tu manges, je te dirai quoi mettre dans ton verre !". Que le sérieux de la chose apporte de la légèreté à l'instant. Que les jus glissent autant que les sourires au bord des lèvres, à en dérider les plus flegmatiques, de cette anonyme pince sans rire à nos côtés pour un soir, à ce cher Buster qui nous accompagnera le long de ces quelques lignes et dont l'énigmatique impassibilité du faciès se révèle pourtant si attachante.

Sortez les tire-bouchons, affutez les bilames et laissez poindre au fond des gosiers cette pointe asséchante criant "À boire !". Car une fois les coudes sur la table et la serviette nouée autour du cou, ce n'est plus vers la cheminée ramonée pour l'occasion, ni au pied du sapin que les esprits et les yeux doivent s'égarer, mais bien dans la profondeur du verre ou de l'assiette. Que tinte les couverts ! Que chantent les cocottes ! Sus au cinéma ! Vive les vrais instants ! Et le tout, évidemment, sous couvert d'une bienveillance pinardière indispensable à la chose !


 Qu'est-ce qu'on boit pour Noël ?

1- 19h05, les invités seront là dans un quart d’heure tout au plus, et vous, vous êtes :

a- En cuisine, cherchant désespérément une spatule sous le monticule de livres de recettes ouvert devant et derrière vous.

b- En mode pré-apéro. Né quinze jours avant terme, vous estimez qu'il est injuste d'attendre l'heure dite pour célébrer quoi que ce soit.

c- Devant la téloche à mater la huitième rediff du Père Noël est une ordure, un paquet de chips sur les genoux.

d- Dans l’atermoiement d'un baiser irritant de votre tata à moustache que tout le monde attend. Oui, le reste de la famille est là depuis trois jours, et on vous a déjà fait remarquer plusieurs fois que vous aviez pris du poids ou que vous aviez grandi, malgré vos 37 ans.


2- L'apéro : Tout le monde est installé, les estomacs gargouillent de toute part, et les regards vers la cuisine se font de plus en plus insistants. Vous prenez la parole : 

a- Il y aura un peu de retard, mais le saumon en trois façons devrait arriver sous peu...

b- Servez-vous un verre, j'ai préparé tout un tas de petits amuse-bouches entre fromages et charcuteries !

c- J'ai acheté un pain surprise, il parait qu'il y a un peu de tout dedans... Allez-y, je reviens avec une quille.

d- Merci d'être venu, je vois que Bernard s'est déjà servi un Ricard et que Tantine a porté de quoi se faire son kir, je vous propose donc de vous débrouiller...


3- L'entrée : Toute la petite famille n'a déjà plus faim, mais on passe à table et vous annoncez le premier plat :

a- Il y aura un peu de retard, mais la terrine de foie gras "à ma façon" arrive très vite...

b- J'ai topé quelques coquilles au marché, voici donc une tartelette Saint-Jacques, poireaux et lard.

c- J'ai bien fait de réserver une bourriche d'huîtres ! Ce matin, y en avait plus...

d- Entre le foie gras de tante Annie, le surimi à l'armoricaine dont raffole oncle Jacky et la tourte aux champignons de la cousine Lucette, vous avez l'embarras du choix. Bon appétit !

4- Le plat : Les premiers boutons de pantalon sautent, les regards s'embrument quelque peu, voici la suite... :

a- Il y aura un peu de retard, mais tout le monde attend votre magret de canard basse température, crème de carotte au cumin et purée d’échalotes confites, caramel de jus de carotte/orange.

b- Fête, traditions, n’ayons pas peur des clichés... Et puis le chapon de la ferme voisine était sympa, tendre et affectueux... avec quelques marrons il devrait faire un malheur !

c- Poule au pot ou côte de bœuf dans la cheminée... jusqu’au dernier moment vous avez hésité, mais l'idée d'une soupe de pâte au jus de volatile, le lendemain des festivités, vous a convaincu.

d- Déjà deux pugilats familiaux recensés autour de la table...  Le boudin aux pommes risque d'avoir un goût amer...
Arrive la pause fromage, à ce sujet, je pense avoir déjà raconté suffisamment de choses sur le sujet pour vous proposer un petit trou normand à la pâte fleurie, pressée ou persillée...


5- Le dessert : Alors que les petits sont enfin pieutés espérant une nuit la plus courte possible, cette pointe sucrée tant attendue ne rime plus qu'avec un dodo bien mérité, une fois la bûche bien calée au fond du cornet... Et pour vous ?

a- Vu le retard pris, vous êtes allé chez le pâtissier et ce sera un dessert chocolaté. Ouf !

b- Raisonnable et attentif à ce besoin irrémédiable de finir la soirée en dansant avec le voisin /la voisine célibataire, vous avez prévu une mousse aux fruits exotiques.

c- Votre meilleur pote est pâtissier, une bûche aux fruits rouges trône en ce moment sur la table.

d- La crème au beurre aura peut-être raison des artères fragiles de votre Tatie Danielle du bout de table... En attendant, la tablée s'échauffe en entamant débats politiques, éducatifs et religieux autour de la poire familiale. Vous avez définitivement lâché prise et n'aspirez plus qu'à une chose, fuir...
Et maintenant les résultats !
Si vous avez une majorité de "a"
Vous êtes celui qui aime la bonne chère... Au programme de votre ambitieux repas, des mets raffinés et beaucoup d'huile de coude. Il vous faudra donc des compagnons de verres à la hauteur. 

Pour l'apéritif, le saumon s’accommodera parfaitement d'un beau champagne, à moins qu'un différent avec l’effervescence vous dépose en terre ligérienne, où le sauvignon sera comme un poisson dans l'eau avec cet incontournable de Noël.

Pour l'entrée, le foie gras en terrine s'acoquinera d'un blanc vif au regard légèrement sucré. Pourquoi pas un demi-sec de Loire, un Vouvray, un Montlouis... ou alors l'exubérance aromatique d'un Jurançon sec. Si vous bardez votre terrine d'un peu de magret séché, un pinot d'Aunis ou un Marcillac de Philippe Teulier aux notes poivrées rebondira tout en souplesse sur le lobe du volatile ainsi préparé.

Pour le plat, en restant dans le canard avec ses notes d'orange et d'épices, je vous propose de partir sur la région Rhône et ses grenaches aguicheurs ou ses syrahs sanguines et fumées quand le temps en patine les contours. Je vous susurerai bien à l'oreille d'essayer de dénicher une belle Pialade du sieur Reynaud, mais difficile de mettre la main sur ce genre de quilles, à moins d'avoir un taulier dealer de vins particulièrement efficace...

Pour le dessert enfin, le choix du chocolat vous permettra de plonger dans l'univers des vieux rancios du Roussillon, à moins que les sirènes portugaises du Porto ne vous fassent déboucher une quille à l'accent lusitanien.

Si vous avez une majorité de "b"
Vous êtes celui qui fait la fête... pour cela point de tambour ni trompette, simplement un bon coup de fourchette et un coude agile. Pour vous, la simplicité d'un flacon doit mettre en lumière la franche camaraderie du jus de raisin fermenté. Point de chichi, du bon glouglou pour étancher la soif et fixer les sourires d'une tablée amicale et chaleureuse.

Pour l'apéritif, une petite sélection de pet'nat' permettra d'affuter les papilles avec gourmandise et générosité. Un mauzac nature de Plageoles à Gaillac, le Rocambulle frontonnais de la familles Ribes, un pétillant originel du Rocher des Violettes à Montlouis... Bref passez chez vos cavistes faire le plein de ce genre de plaisirs simples.

Pour l'entrée, on range les cotillons et les langues de belle-mère de l'apéro. Cap sur le chardonnay : jurassien, bourguignon ou même limouxin avec les sacrés jus produits à Roquetaillade (Azam ou Mouscaillo par exemple).

Pour le plat, là encore, le chapon joue sur du velours côté pinard. En effet, libre à vous de pencher pour du rouge ou du blanc. Si vous vous sentez l'âme teinturière, aventurez vous sur des jus légers. Pinot noir ou gamay feront glisser leur petits fruits frais sur le gras de la viande qui en redemande. En revanche, si comme moi, vous préférez faire du ton sur ton avec le volatile, une roussette de Savoie ; plus au sud et dans un registre bien différent, sachez que de beaux languedocs blancs (un Mas Jullien par exemple) se battront pour voler dans les plumes luisantes du castra du jour.

Pour le dessert enfin, le choix de l'exotisme vous permettra d'explorer pas mal de pistes : de l'Alsace et ses gewurztraminers vendanges tardives explosifs, au sauternais dont le rôti chaleureux se blottira tendrement contre le flan vif et alerte du fruit, ou encore le sud-ouest qui possède avec ses mansengs, le pendant viticole de votre dessert... 

Bref, une belle soirée en perspective, que l'on peut envisager de façon monochrome, avec un simple stock de quelques quilles de blancs.

Si vous avez une majorité de "c"
Vous êtes celui qui veut pas se faire chier... Et vous avez bien raison ! Une soirée sympa, un pain surprise, quelques huîtres, une poule au pot et une fraicheur pâtissière aux fruits rouges. Il ne reste plus qu'à trouver le vin...

Pour l'apéritif, un truc passe-partout vous permettra de slalomer en toute quiétude entre les tranches de pain diversement garnies. Alors pourquoi pas un champagne rosé ? Sinon tout ce qui possède des bulles (bon, pas du Champomy non plus, faut pas déconner) et qui possède l'aval d'un bon caviste. Facile, non ?

Pour l'entrée, une bourriche bien fraiche sous le bras, difficile de ne pas envisager de canonner un petit coup de blanc un peu salin. Et comme le Muscadet, c'est pas que pour les prolos, voilà déjà une piste que votre banquier tolèrera sans rechigner. Sinon, banco, on vend la caravane et un chablis dans la besace, on s'en va gober du mollusque en toute humilité. Riesling et bubulles bien tendues, resteront bien en place sur le rebord de la fenêtre au cas où une petite soif viendrait perturber un atelier cendrier en nacre, improvisé le moment venu.
 
Pour le plat, une poule au pot ou un pot au feu... pas très petit doigt en l'air comme plat, mais tellement efficace ! Et puis niveau choix de l'artillerie liquide, là aussi le rayon est vaste... Entre rouges légers, du style pinot, gamay, poulsard... et blancs bourguignons légèrement gras et tendu, vous n'aurez que l'embarras du choix pour vous arroser goulument les babines.

Pour le dessert enfin, le choix du fruits rouges appelle à mon humble avis le sucre et la fraicheur des jeunes grenaches mutés du Roussillon. Alors à moins qu'une excentricité dénichée par votre caviste vous fasse changer d'avis, foncez sur Maury ou Banyuls !

Si vous avez une majorité de "d"
Vous êtes celui qui n'a pas de chance... ou qui a une grande famille. Je suis désolé pour vous, mais les contradictions et les idées reçues prennent de l'embonpoint dans ce genre de situation. Courage et gai visage me disait ma mère... et même si votre main droite vous démange pour coller quelques baffes bien senties, gardez dans l'idée que la prochaine fois elle sera là, intacte, pour vous faire plaisir, un tire-bouchon glissé au creux de sa paume... 

David Farge "ABISTODENAS"

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