Faire les choses un peu différemment, tordre le cou à la rigidité organisationnelle des festivités, quelles qu'elles soient, voici un des principes de base arboré par ces plaisirs inattendus. Non pas que le cérémonial un rien routinier et chronophage des réjouissances de fin d'année annihile tout ravissement papillaire, mais la charge de boulot, l'organisation, les repas à rallonge, le monde, ne sont en rien des critères favorisant le sentiment de plaisir paroxystique. Alors, quand au cœur de cette période de fêtes, on se retrouve attablés en petit comité pour célébrer le changement de décennie d'un aficionado du tire-bouchon, involontairement venu salir ses premières couches un 27 décembre, les papilles se mettent à frétiller et tout devient possible.
Une parenthèse liquide bienvenue, où le gigot posé sur la table ne fut pas le seul à venir s'installer grassement au cœur de cette bonhomie collective et douillette. Les verres s'enchaînent : ici, un superbe riesling allemand de Fritz Haag que le grand-père eut du mal à déglutir, quand le lendemain, quelques larmes de plaisir restant au fond de la bouteille, permirent de profiter un peu des restes avec la famille ; là, la confirmation que les vins de Thierry Valette, au Clos Puy Arnaud sont vraiment de la veine des grands breuvages, n'oubliant jamais qu'ils seront profitables seulement s'ils sont bus. Bref, une succession cosmopolite de très beaux vins baignant goulument les paroles d'une assemblée imbibée de plaisir et de partage.
Et dans cette chaleureuse ambiance, jouant les trouble-fête, un verre noir s'avance... Non content de déjà profiter d'un intermède inattendu et appétant en cette période de bombance, voilà que les surprises et les devinettes arrivent au menu de cette soirée.
Du blanc, du rouge ? Face au verre noir, il faut parfois avouer son impuissance et faire preuve d'humilité. Mais le jeu prend le dessus, et je me laisse aller à des supputations d'une rigueur de fin de soirée... Des notes de fraises, du miel, un peu de laurier, un côté abricot sec, un bouche riche mais souple, une pointe d'alcool remue les sens mais ne brûle pas l'intense justesse d'un jus éprouvant et touchant. Les tanins ne semblant pas avoir décidé de jouer les premiers rôles, j'écarte l'hypothèse d'un rouge. Mais la richesse du jus laisse planer le doute. Ne doutant pas de la malice de mon hôte, je me risque à annoncer un blanc de macération, écartant du même coup l'ultime théorie : celle d'un rosé. Mais, bordel de merde ! On ne sert pas un rosé un 27 décembre, sans merguez, sous la flotte, le jour de ses cinquante berges ! Et bien si...
Tant pis pour le jeu de piste, il y a un temps pour l'amusement, maintenant l'heure est au plaisir et mes papilles remercient largement l'illuminé qui a, quelques minutes auparavant, sorti cette bouteille mystère. Car vous l'aurez compris, la pelure d'oignon et ces quatre glaçons sous la tonnelle ne sont pas l'unique définition du rosé. Outre les (parfois) très agréables breuvages estivaux, le rosé sait aussi arborer une certaine noblesse, surtout quand un grand vigneron mène la barque.
Nous voilà donc au domaine Gourt de Mautens, au cœur de l'appellation Rasteau, terrain vigneron nourri à la chaleur ardente des Côtes du Rhône, à quelques encablures d'Orange. Le genre de région où tu ne fais jamais la sieste en plein soleil sans une tonne de crème et un tee-shirt à manche longue, et encore. C'est ici que Jérôme Bressy sévit. Une viticulture certifiée bio depuis les années 80, et biodynamique depuis 2008. Ici, on ne fait pas dans le compliqué, enfin, en apparence. Trois vins, trois couleurs, et les certitudes d'un terroir riche d'une expressivité que Jérome Bressy semble révéler à merveille. Des terres calcaires, une garnison de ceps plus proches de la retraite que de leurs folles années, des rendements faméliques mais qualitatifs : pas de doute, on est en plein dans l'exception culturelle version rhodanienne.
Et la bouteille nous concernant, ce rosé 2010 (assemblage de grenache, carignan, mourvèdre et counoise) tiré à un ou deux milliers d'exemplaires à peine, transpire de cette classe, de ce potentiel hors norme. Un vin à l'expressivité et à la densité exceptionnelles, doté d'un équilibre sans faille. Là où certains brûlots racoleurs, burinés par le soleil de plomb d'une région, viendraient jouer les Icare à grands coups d'envolées confiturées ou capiteuses, ici, excusez l'analogie, mais on remise les pneumatiques italiens au rang de figurants dans l'illustration des citations pseudo-philosophiques. Sans maîtrise la puissance n'est rien...
Et la bouteille nous concernant, ce rosé 2010 (assemblage de grenache, carignan, mourvèdre et counoise) tiré à un ou deux milliers d'exemplaires à peine, transpire de cette classe, de ce potentiel hors norme. Un vin à l'expressivité et à la densité exceptionnelles, doté d'un équilibre sans faille. Là où certains brûlots racoleurs, burinés par le soleil de plomb d'une région, viendraient jouer les Icare à grands coups d'envolées confiturées ou capiteuses, ici, excusez l'analogie, mais on remise les pneumatiques italiens au rang de figurants dans l'illustration des citations pseudo-philosophiques. Sans maîtrise la puissance n'est rien...
Inutile de me jeter des tomates, d'abord ce n'est pas la saison, mais je sais aussi très bien que le renouveau de la pub ne passera pas par moi.
Ceci dit, ce flacon bu sur deux jours m'aura mis une sacrée claque. Ciselant la roche après quelques heures d'ouverture, cette expressivité tranchante et goûteuse semble être une parfaite redéfinition de ce misérable de la condition vinique. Oui, le rosé peut être autre chose qu'une alternative à l'eau lors d'une merguez-party estivale. Mais n'en restons pas à de futiles quêtes d'icônes liquides, car les vins du Domaine Gourt de Mautens valent bien mieux que cela et notamment cette grande bouteille. Véritable vin de gastronomie, il s'épanouira bien plus à table que dans un quelconque plaidoyer identitaire.
Ceci dit, ce flacon bu sur deux jours m'aura mis une sacrée claque. Ciselant la roche après quelques heures d'ouverture, cette expressivité tranchante et goûteuse semble être une parfaite redéfinition de ce misérable de la condition vinique. Oui, le rosé peut être autre chose qu'une alternative à l'eau lors d'une merguez-party estivale. Mais n'en restons pas à de futiles quêtes d'icônes liquides, car les vins du Domaine Gourt de Mautens valent bien mieux que cela et notamment cette grande bouteille. Véritable vin de gastronomie, il s'épanouira bien plus à table que dans un quelconque plaidoyer identitaire.
Un contre-pied de fin d'année qui n'aura finalement accouché d'aucune contradiction, mais simplement d'un grand moment de plaisir. Merci Monsieur Bressy !
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