Un peu de tri !

mardi 17 mai 2016

Cachez ce vin que je ne saurais voir !

C'est apparemment la nouvelle mode. Annoncé ici ou là comme le rosé de demain, le « wine slushy » serait en passe de détrôner son compère aromatisé au pamplemousse et bien d'autres subterfuges de l'industrie pseudo-pinardière. Un truc aussi fun et cool qu'un clip de WHAM! qui en plus de te torcher la gueule façon cocktail de plage, porte un sobriquet top tendance à l'américaine, il n'en fallait pas plus pour aiguiser ma curiosité !
Alors, qu'est-ce que le « wine slushy » ?
Le « wine slushy », pour faire bref, c'est le petit-fils irrespectueux du rosé glaçon. Le genre de nouveau gamin à grande gueule qui compte plus sur sa casquette à paillettes que sur un dictionnaire pour conclure avec sa voisine. 
Malgré tout, comme il semble faire partie de la famille, étudions quelque peu son cas. Oui, car quand on parle de « vin détrempé » (ça en jette moins quand on passe à la VF, hein ?), on parle tout de même de vin. Sinon, on appelle pas ça "wine quelque chose", on en reste à de la nomenclature de supermarché croisée avec un peu de phrasé made in discothèque et le tour est joué. Il suffit alors de pondre un truc du genre : Banga X ou Yop No Limit, d'y coller un peu de fluo sur l'emballage et roule ma poule. Mais là, non. Celui ou celle qui nous a mitonné cette fabuleuse trouvaille a voulu se la jouer sérieux, et voilà donc que débarque Tom Cruise et son bar à cocktails au rayon cave de votre été. Déjà qu'on avait du mal avec la sangria, le rouge coupé au coca et le spritz noyé par la glace...
Mais revenons-en au fait. Quelle est donc la différence entre ce « wine slushy » et notre mythique rosé glaçon ? Et bien, dans cette version moderne comme dans tant d'autres, le principe réside dans le fait que le vin doive se faire le plus discret possible. Fini l'expression subtile d'un pinot bourguignon un soir de printemps, terminé la fraicheur sans pareille d'une gorgée de sancerre à l'heure de l'apéro, place au « wine slushy » ! Prenez quelques fruits congelés, balancez le tout dans un blender, arrosez d'une bouteille de pinard et mixez. Un peu de sable dans le slip de bain, des tongs, un marcel collant et on se croirait à la Grande Motte, un 15 août, avec un granité hors de prix à la main...

Ceux qui gueulent quand on leur balance un glaçon dans la timbale en seront pour leurs frais, maintenant on prend même le temps de vous vider directement le congélo dans le verre...

Bref, ce qui m'exaspère le plus dans ce genre de distraction liquide tendance pute de bord de route, ce n'est pas l'idée de coller quelques garriguettes à son godet de blanquette. Ça, on connait déjà, c'est pas forcément génial, mais ça peut faire l'affaire. Non, ce qui me fait jouer les vieux cons, c'est cette tendance "Cachez ce vin que je ne saurais voir !" qui ne cesse de fleurir ici et là dès que l'on cause pinard. 

Car ne nous y méprenons pas, si la désacralisation du pinard semble avoir le vent en poupe, ce n'est pas dans un souci d'accessibilité au plus grand nombre. L'éducation par le camouflage ne mènera sûrement pas les adeptes de la vodka caramel à lorgner du côté du raisin fermenté. Par contre, c'est tout à fait le genre de diversion permettant d'écouler par camions-citernes ces hectolitres de jus très bas de gamme aux provenances diverses. Faire du blé, toujours moins cher, vendre de la merde, ignorer le terroir, diluer la culture à la glace, faire de joli photo en maquillant bien le tout, mais en laissant sa dose d'alcool à celui qui en a vraiment besoin... 
Si vous voulez mêler le fruit et le vin, je pourrais peut-être vous parler de ma recette de poires pochées au Banyuls, qui de plus, vous évitera d'avoir à nettoyer un blender. Mais personnellement, quand les premiers rayons du soleil pointent à hauteur de mon verre, le rosé est toujours respecté. Tenez, prenez ce mix' de cinsault et syrah réhaussé d'un peu d’œillade muscate, une véritable friandise qui ne s'oublie pas en route, diluée dans je ne sais quelle accessoirisation hasardeuse. Coco Chanel qui en connaissait un rayon niveau mode, le disait bien : « Avec les accessoires, le plus important c’est de toujours enlever le dernier que l’on a ajouté. » 
Alors, de mon côté, je m'en tiendrez à ces conseils, et à la garde robe liquide proposée par mon cher Jeff Coutelou, qui a défaut de suivre les modes, a toujours eu du style*...

David Farge "ABISTODENAS

* « La mode se démode, le style jamais. » - Coco Chanel

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