Il est des billets qu'on aimerait pouvoir écrire sur le ton de la déconne. Malheureusement, parfois, la réalité dépasse la fiction...
Vacances. À quelques kilomètres en retrait de l'agitation du bord de mer, en plein pays catalan, nous installons notre QG familial au cœur de la ville d'Elne. Soleil au rendez-vous, pelle, seau, masque et tuba en bandoulière, notre petite smala toulousaine est fin prête à affronter sable, poissons, poulpes et autres réjouissances estivales. L'évident "problème" de nos apports caloriques durant le séjour rapidement résolu par notre sympathique hôtelier, pinardier de son état (un autochtone averti qui avait bien pris soin de nous laisser un petit manuel de savoir bien vivre à la hauteur des richesses locales), nous voilà donc armés comme un escadron de frelons asiatiques, lunettes et crème solaire en plus.
Les réjouissances s'enchaînent alors comme des caramels mous à l'heure du goûter, et les méninges au repos, l'estomac prend comme à son habitude ce relais estival qu'il se plait à retrouver chaque année. Alors, me direz-vous, pourquoi venir encore râler sur ces quelques lignes ? Primo, car je ne vais pas vous causer ici des premières longueurs de brasse du grand, ni de la deuxième incisive de la petite, ce n'est ni lieu, ni l'endroit. Vous vous en tamponnez le coquillard et c'est bien normal. Secundo, car quand on a un caillou dans la chaussure, mieux vaut faire une pause et l'enlever avant de repartir.
Voilà donc pourquoi je ne ferai pas ici une ode au pa de fetge de la charcuterie Casteil à Elne, pourquoi je ne pas vanterai pas plus l'étal simple et sincère de Guillaume, le poissonnier de la Marée Catalane, située quelques pas en amont, pourquoi je ne chanterai pas les louanges des boudins de porc noir de Thibault Gonzales, éleveur et charcutier, croisé sur le marché du Thuir. Oui, j'ai un cailloux dans la chaussure.
Elne, sa cathédrale et son cloître de marbre blanc disproportionnés semblant tenir en équilibre sur le mamelon formé par la ville haute, et à quelques mètres de là, la place du Colonel Charles Roger. Une place ? Plutôt une placette nichée au cœur d'un de ces dédales de ruelles étroites dont l'ombre laisse à espérer un utopique brin de fraîcheur. Au centre de celle-ci, comme souvent, un platane dont on ne compte plus les années, quelques tables et un gravier qui s'est arrêté depuis longtemps de compter les points des nombreuses parties de boules commentées depuis le café. Ce café, c'est Le Casot, un bar à vin bien décidé à promouvoir les productions locales de qualité. Tenu par le frère de Stéphane Morin (Domaine Léonine à Saint-André), on y boit bio et bon à la fois tout en pouvant grignoter de quoi entretenir son cholestérol avec plaisir...
Quelques canons et morceaux de fromages plus loin, comme des coqs en pâte prêts à en découdre un verre à la main, nous décidons donc de ne pas mettre à mal les traditions locales et sortons cochonnet et OBUT luisantes de leur étui. Bien mal nous en a pris ! Depuis les dernières élections municipales, la vie a changé à Elne... Et la pétanque, comme la tondeuse le dimanche ou les disques de Florent Pagny, a rejoint la liste de activités nuisibles de la commune*. Il semblerait que cela gêne le voisinage...
Oui, vous avez bien lu. À Elne, au cœur du village, il est interdit de jouer à la pétanque, et donc, la boule n'a plus droit de citer place du Colonel Charles Roger. Le temps où on arrêtait les tramways pour mesurer un point** semble bel et bien révolu. Place à la méditation cathodique, ce reposant remède qui a au moins le mérite de vous éloigner des UV aoutiens... Pour le reste, on repassera. Au chiotte la culture de village, les traditions locales et le lien social ponctué de claquements métalliques ! Faudrait pas qu'un brin de vie vienne animer le quotidien des Illibériens. Vivement qu'on demande aux enfants de chuchoter dans la rue, aux vagues de faire moins de bruit et aux cigales de la fermer !
Alors si la pétanque doit se faire discrète sur les graviers soudain impatients du Casot, sachez que l'on a pas encore interdit le tintement des verres sous les fenêtres de la ville haute. Profitez-en pour vous faire entendre de vos chers élus. Trinquez à un peu plus de vie, et sachez que la mort aussi ne fait pas de bruit...
Alors si la pétanque doit se faire discrète sur les graviers soudain impatients du Casot, sachez que l'on a pas encore interdit le tintement des verres sous les fenêtres de la ville haute. Profitez-en pour vous faire entendre de vos chers élus. Trinquez à un peu plus de vie, et sachez que la mort aussi ne fait pas de bruit...
* Suite à une demande d'informations complémentaires de ma part, voici la réponse de la mairie : "Le jeu de pétanque sur la Place Colonel Roger n’est pas autorisé eu égard au fait que cet espace est occupé par l’établissement « Le Casot » qui détient une autorisation pour occuper ce lieu [...] Effectivement, nous avons enregistré des plaintes du voisinage et nous avons donc demandé à Monsieur MORIN de ne plus autoriser le jeu de pétanque sur la place."
** La partie de boules sur le tramway - Fanny
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