"Ariège, terre courage !" disait le panneau à l'entrée du département. Au pays des montreurs d'ours, la vie est rude, la terre est basse et la caricature un peu grossière. Évidemment le colon du week-end qu'est le toulousain voisin y est pour beaucoup... Et pourtant, quel beau pays ! Je ne me lancerai pas ici dans une adaptation militante du Routard version 09 mais je puis vous assurer qu'il faudra un peu plus que ces quelques lignes pour prendre la mesure des ressources de cette terre pyrénéenne aussi sauvage qu’authentique.
Deux collines séparent ma maison de l'Ariège. Par temps dégagé, les Pyrénées, toutes proches semblent même converser dans le jardin. Pourtant, parasité par l'agitation citadine et les lumières de la ville rose, ce voisinage plein de ressources ne bénéficie pas de l'attention qu'il mérite.
Tout aussi négligeant que bon nombre de haut-garonnais, je tentais donc de remédier à cela en quittant mon carnet d'adresses toulousain habituel pour suivre, en bonne compagnie, la direction de Pamiers.
Rendez-vous était pris chez François Bassas, au restaurant Deymier, à Pamiers. 20 minutes de bagnole plus tard, nous voilà attablés dans une salle au charme cossu. Bib gourmand du Guide des pneus depuis maintenant trois ans, une carte prometteuse, tant au niveau liquide que solide... Bref, quand la curiosité devient victime de l'habitude et qu'elle vous prive d'une visite gourmande, il y a de quoi s'en vouloir un peu. Surtout que ce voisin appaméen vaut largement qu'on vienne poser les coudes sur sa table !
Autour d'une belle nappe blanche (j'adore les nappes blanches, et les assiettes blanches aussi d'ailleurs...), on opte pour un menu surprise décidé par le chef*. Enfin, on va tout de suite s'entendre sur le terme de surprise. Car en faisant confiance à la cuisine, on en sait tout de même un peu. On sait notamment qu'on ne mangera pas des fraises en hiver, que François bosse avec les maraîchers bio du coin, que le marché de Pamiers n'est pas pour lui qu'une sortie récréative, et par conséquent, que cette obsession du produit n'est pas ici qu'un slogan de vitrine.
Et dans l'assiette ça se sent : outre la justesse des cuissons et l'évidence des plats servis, on sent ici une cuisine au service du produit. On ne trie pas les poignées de fleurs inutiles servant de couvre-chef à la pseudo cuisine créative ; quand la viande ou le poisson sont annoncés, on ne part pas à la chasse ou à la pêche de sa ration protéinée ; et quand il reste du jus dans l'assiette, on est bien content de trouver du pain à côté de sa fourchette. Bref, ici ça cuisine... et je ne vous parle pas de la marmite de bouillon en perpétuelle ébullition qui trône sur le piano de la cuisine.
Côté vin, une sélection réduite mais pointue** : des vins d'artisans, à des prix qui donnent soif. Nul n'est censé ignorer qu'en ville comme à la campagne, l'éducation au bien boire est aussi une des missions du restaurateur, et donc, à l'évidence, aussi une histoire de pognon. L'équipe du restaurant Deymier l'a bien compris, bravo à eux...
Tiens, en parlant vin, mon caviste m'a lui aussi encouragé à regarder du côté de l'Ariège. Un couple de suisses-allemands, Dominik Benz et Martina Fretz, installé au Fossat depuis 2013, à une vingtaine de bornes à l'ouest de Pamiers, y réaliserait de quoi sérieusement réhabiliter les terroirs méconnus d'un département qui n'a jamais vraiment pu se relever après la crise du phylloxéra. Au cœur de la vallée de la Lèze, à quelques pas des brassées de jonquilles que mes parents ramènent chaque année de Saint-Ybars, le Domaine de Beauregard et ses 6 hectares sont donc le théâtre d'un renouveau viticole de grande qualité.
Du petit rosé à 6 balles aux cuvées en monocépage plus ambitieuses oscillant plutôt autour d'une vingtaine d'euros (Syrah, Merlot, Tannat), la production engagée voilà 4 ans maintenant par Dominik Benz et sa femme est franchement enthousiasmante. Au-delà d'un fruit toujours vivace, ce sont notamment les élevages qui sont à souligner. D'une grande élégance, ils valorisent chaque cépage avec précision et ambition. Nul doute que ce merlot Tête Sage goûté dernièrement saura par exemple profiter d'un repos de quelques années pour s'aligner aux côtés de quelques congénères bien plus prestigieux sans avoir à rougir de la comparaison. Et c'est bien là la réussite de Dominik Benz : faire de cette terre nourricière modeste et injustement méprisée, un terroir d'exception dont la viticulture peut aussi s'emparer. Goûtez à son Roi, griffé d'un ours dressé, pour finir de vous en convaincre : le tannat est ici le fruit d'un travail d'exception dont seule l'étiquette pourrait trahir le pedigree.
"Ariège, terre courage !" disait le panneau... Mais quand le talent s'empare du reste, ce n'est plus à l'audace ou à la bravoure qu'il faut s'en remettre, mais plutôt à ses certitudes. En effet, que l'on parle de François Bassas et de son restaurant ou de Dominik Benz et de ses vins, nul doute que leur réussite d'aujourd'hui se conjuguera aussi au futur, et ce, pour notre plus grand plaisir.
* mise en bouche, entrée, plat et dessert à 34 euros, compter quelques euros supplémentaires pour l'ajout d'un plat.
** ce soir là, nous avions misé sur un Haut des Clous de Thierry Michon, Domaine Saint Nicolas dans les Fiefs Vendéens. Évidemment une bien belle bouteille.
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* mise en bouche, entrée, plat et dessert à 34 euros, compter quelques euros supplémentaires pour l'ajout d'un plat.
** ce soir là, nous avions misé sur un Haut des Clous de Thierry Michon, Domaine Saint Nicolas dans les Fiefs Vendéens. Évidemment une bien belle bouteille.
Merci beaucoup David pour ce joli papier sur notre beau territoire, au plaisir de te revoir au Restaurant Deymier !! Ludo
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