Un peu de tri !

mercredi 6 septembre 2017

Le pomerol sans pull sur les épaules...

Au premier abord, j'ai bien cru faire une erreur...

Alors que depuis quelques jours je m'étais habitué à voir des chevaux galoper sur les plages, rassuré de constater que les mocassins supplantaient toujours les éternelles tongs du bord de mer, sillonnant les vignes en plein cœur de Pomerol, je fus pris d'un doute quand, arrivé à destination, je ne découvris ni carillon, ni héliport, ni châtelain méché, le pull noué sur les épaules. Non, au lieu de ça, une grande bâtisse faisant office de maison familiale avec vue sur quelques hectares de merlot, malbec et cabernet. 
Sur le plateau de Pomerol, si l'Histoire se prénomme Petrus, Lafleur ou l'Eglise-Clinet, le talent sait aussi s'affranchir du prestige de l'étiquette pour creuser son sillon jusque dans nos verres. En effet, si parler de ces grands noms bordelais fait plus appel au fantasme qu'à la mémoire gustative, problème de portefeuille oblige, s'aventurer sur les terres toutes aussi nobles du Château Gombaude-Guillot vous garantit de pouvoir accéder sans complexe à ce terroir de légende.
16 heures, vitre baissée, le Blufunk de Keziah Jones dans le poste, je joue les Pac-Man, avalant les quelques kilomètres qui séparent la loc' familiale d'une rencontre bien sympathique, attendue depuis longtemps.

Bienvenue chez Olivier et Marine, sixième génération à veiller sur ce petit bout de légende, avec le regard bienveillant de Claire et Dominique, un œil au dessus de l'épaule du fiston pour surveiller un peu tout ça. On va quand même pas faire confiance à un minot féru de bourre-pifs et de corde à sauter pour faire du pomerol, bordel ! 
Mais avant de descendre à la cave, il me faut ouvrir une petite parenthèse : Bordeaux et moi, nous vivons depuis longtemps une relation un peu compliquée. Accompagné de longues années par les œillères familiales n'orientant le tire-bouchon qu'en direction de cette Mecque girondine, mes papilles ont un jour fait leur apostasie. S'en suivit, comme dans toute rupture un brin difficile, une phase de rejet nourrie par ce nouvel élan libertaire qui mena mon verre au quatre coins de France et de Navarre. Mais ce genre de parcours initiatique porte toujours en lui une part de raison. Et c'est avec un réel enthousiasme que, ces dernières années, la région bordelaise reprit sa place sur les clayettes accueillantes de ma cave. Serrer la poigne du sieur Techer et goûter à nouveau aux joies du merlot sous influence océano-juppéiste était donc un réel plaisir pour moi...
Après un petit tour dans les vignes jouxtant le domaine, où au passage tu réalises que le voisinage possède encore une appréhension tenace envers l'herbe ou toute autre forme de vie pouvant chatouiller les chevilles, nous nous rendons à la cave pour goûter quelques jus en train de parfaire leur éducation : Pom'N'Roll 16, juteux à souhait, donne envie de s'attaquer à ses grands frères, quand Gombaude, patientant encore en cuves comme dans les jupes de sa mère, se voulait aussi dense et prometteur que timide. Dans la classe supérieure, les 15 attendent leur mise en bouteille... Pour se faire le palais, on débute par un essai de merlot sans soufre en œuf béton. Eh oui, les bordelais aussi ont le droit de se la jouer vigneron hipster tendance ! Mais bordel de cul, n'empêche que ça marche bien ces trucs. Un merlot aussi bavard qu'un Luchini un peu bourré et aussi souple qu'une gymnaste roumaine de la grande époque... On en remplirait bien sa gourde de pique-nique. 
Mais le vrai coup de cœur intervint un peu plus loin. Au creux d'une barrique Stoeckinger. Gombaude 2015, version Auguste, le petit d'un ami de la famille... Un jus taillé pour l'éternité et déjà prêt à se poser sur la table. Et si la pureté du fruit des vins de la famille Techer est évidente, le travail d'orfèvre qui se dessine ensuite au creux de chaque pièce de bois est aussi une part incontestable de la réussite de ces vins. Un travail de longue haleine qu'espère pouvoir perfectionner encore et encore Olivier et Marine. Toujours est-il qu'avec ce 2015, on tutoie déjà une noblesse évidente, sans oublier l'importance d'un raisin juste poudré à merveille pour la circonstance. Auguste a bien de la chance...
Autour de la plancha, après quelques bons mots échangés durant tout l'après-midi, c'est en famille que nous avons poursuivi les débats. Ici, on goûte un Satellite blanc dont le volume et l'équilibre aromatique redonnent l'allant et le pep's nécessaires pour oublier ces Entre-deux-Mers qui nous fatiguent si souvent, puis, après quelques OVNI de transition trimballés depuis le Lauragais, on touche à nouveau au joyau familial avec un Gombaude Guillot 2003 qui fait oublier avec classe cette année caniculaire où le fruit eut tant de mal à se faire une place, notamment dans le coin. 

Malheureusement, il commence à se fait tard pour les gamins. On a pu goûter. C'était très bon. Mais maintenant il va nous falloir boire, afin de raviver, entre autres, le souvenir de ce magnum de Gombaude Guillot 1999 ouvert en famille pour les fêtes et gentiment expédié pour l'occasion par le domaine. Quelques bouteilles sont à la cave, quelques cavistes toulousains ont décidé d'en faire de même et ils ont bien raison. Car oui, même sans pull sur les épaules, on sait ici aussi faire de grands vins. Et si dans l'imaginaire collectif, le bordelais se la joue plus Carlton que Will Smith, sachez qu'au cœur du plateau de Pomerol, avec modestie et non sans talent, on sait aussi mettre les gants et taper juste.


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